Mémoire de l’Alliance anglophone d’alphabétisation au Québec.

Introduction

La Quebec English Literacy Alliance (QELA) est heureuse de pouvoir s’adresser au Comité permanent des finances de la Chambre des communes pour exprimer son opinion sur l'importance de l'alphabétisation de la population active canadienne et de sa formation aux compétences essentielles, du point de vue d'un organisme de langue officielle minoritaire basé au Québec.

QELA, organisme à but non lucratif au service de la communauté de langue anglaise, est un réseau d'organisations faisant de l'alphabétisation dans 11 régions de la province. Nous nous efforçons de sensibiliser la population à l'importance de la littératie et de l'acquisition de compétences essentielles par tous les Québécois adultes afin qu'ils puissent contribuer au maximum de leur potentiel au monde du travail et à la vie de leurs collectivités.

La concurrence mondiale nous oblige à avoir une population active possédant toutes les compétences essentielles, allant de la lecture et l'écriture à l'utilisation de documents et des outils numériques. Aujourd'hui, être alphabétisé n'est pas seulement savoir lire ou écrire. C'est aussi posséder la panoplie de compétences dont les gens ont besoin pour réussir dans le monde du travail et contribuer à la vie de la collectivité et de la famille.

Pourtant, 42 % des Canadiens adultes[i] ne possèdent pas de compétences élémentaires en lecture, et beaucoup d'autres n'ont jamais vu l'intérieur d'une salle de classe depuis qu'ils ont terminé leurs études secondaires il y a des décennies. Beaucoup ont du mal à s'acquitter de tâches élémentaires comme comprendre des instructions écrites pour prendre un médicament, faire marcher une machine ou déchiffrer un horaire d'autobus.

D'autres ne réalisent pas dans quelle mesure leurs compétences sont dépassées ou tout ce qu'ils ont oublié de ce qu'ils avaient appris autrefois. Cela devient péniblement évident lorsqu'il y a un changement dans le monde du travail qui rend ces personnes « à risque » vulnérables au congédiement ou au remplacement avec bien peu d'espoir de retrouver un emploi adéquat.

Bien que QELA partage beaucoup des défis auxquels sont confrontés les organismes d'alphabétisation et de formation aux compétences essentielles des autres provinces, nous œuvrons dans une province où la langue de travail est le français, dont la connaissance est légitimement considérée par la plupart des habitants comme la « 10e compétence essentielle ». S'il est vrai que nous concentrons d'abord nos efforts sur l'amélioration des compétences en lecture et écriture de l'anglais, nous fournissons aussi tout le matériel didactique sur les compétences essentielles dans les deux langues une fois que le sujet est prêt à passer à l'étape suivante après s'être familiarisé avec la terminologie française.

Le Canada a toujours été considéré comme un pays riche en ressources naturelles. Ces ressources naturelles comprennent une ressource cruciale, notre population active.

Si nous voulons assurer notre rétablissement économique, nous devons pouvoir compter sur une population active renouvelable et durable, dotée de compétences transférables et apte à réagir rapidement aux changements dans le monde du travail et sur le marché mondial.

Recommandations

Œuvrer avec le secteur de l'alphabétisation et des compétences essentielles pour mieux sensibiliser la population à l'importance des compétences essentielles dans le monde du travail.

Les entreprises et le gouvernement ont surveillé attentivement l'évolution de l'économie mondiale pour nous faire traverser une crise économique mondiale. Toutefois, alors que nous nous préparons à résister à la prochaine tempête, c'est maintenant le monde du travail qui doit prendre la barre. C'est maintenant au tour de la main-d’œuvre de perfectionner ou d’améliorer ses compétences de façon à nous aider à renforcer l'économie locale et à être compétitifs sur les marchés mondiaux. Dans ce but, le gouvernement et l'industrie doivent collaborer pour promouvoir l'alphabétisation et la formation aux compétences essentielles afin que tous les Canadiens adultes possèdent les compétences transférables qui sont nécessaires pour tirer pleinement parti de toutes les opportunités pouvant apparaître sur le marché du travail.

Le défi est amplifié au Québec où un travailleur de langue anglaise peu alphabétisé risque de se sentir écrasé par le défi consistant à perfectionner ses compétences en deux langues. Heureusement, des recherches ont montré qu'améliorer son alphabétisation dans sa langue maternelle favorise l'apprentissage des autres langues.

Des études montrent qu'un travailleur peut améliorer son niveau de compétence avec aussi peu que 40 heures d'alphabétisation[ii], ce qui lui donnera la confiance nécessaire pour continuer à apprendre. Si les compétences de la main-d’œuvre s'améliorent, l'industrie en tirera de nombreux bénéfices, notamment des gains de productivité et de rentabilité, moins d'accidents du travail, moins d'arrêts de travail et une réaction plus rapide aux changements mondiaux et économiques.

Une campagne nationale comme celle de RHDC avec ses affiches « Le milieu de travail évolue … Avez-vous les compétences nécessaires pour aller de l'avant ? » adresse une importante mise en garde précisément à ces travailleurs « à risque ». Ce message puissant doit continuer d'être exploité par toutes les coalitions provinciales d'alphabétisation qui sont très bien placées pour le communiquer aux entreprises et aux groupes communautaires.

Fournir un crédit d'impôt aux employeurs qui font de l'alphabétisation et de la formation aux compétences essentielles

Le monde du travail a beaucoup changé au cours des 10 dernières années : les chauffeurs de camions ont des ordinateurs dans leur cabine, les serveurs de restaurant utilisent des tablettes sans fil à écran tactile. Comme les ordinateurs et d'autres appareils électroniques sont de plus en plus répandus dans tous les milieux, les emplois non qualifiés sont rares ou inexistants.

A mesure que les compétences requises dans le monde du travail canadien évoluent, il convient d'encourager les nombreuses entreprises qui contribuent à notre prospérité économique à adopter une culture d'apprentissage continu de leur personnel, à tous les niveaux. Par conséquent, cet effort doit aller au-delà des postes de cols blancs ou de cols gris et englober l'octroi d'une formation à la littératie et aux compétences essentielles aux travailleurs de tous les niveaux, même les moins qualifiés.

L'avantage pour tous les Canadiens est évident : selon des estimations du Groupe financier de la banque TD[iii], « une hausse de 1 % des taux d'alphabétisation pourrait accroître de 32 milliards de dollars le revenu national » et « un rendement économique de plus de 80 milliards de dollars pourrait être engrangé si tous les Canadiens atteignaient le niveau voulu d'alphabétisation ».

Le besoin d'un bassin renouvelable de travailleurs de langue anglaise à tous les niveaux de l'industrie du Québec est d'autant plus pressant que les entreprises ont de plus en plus besoin de travailleurs capables de fonctionner sur le marché mondial où l'anglais est dominant comme lingua franca des affaires. À preuve, une étude[iv] montrant que les travailleurs de langue anglaise se situent plus haut que leurs homologues français dans des secteurs tels que la gestion d'entreprise, le commerce de gros, les services professionnels et techniques, le transport et l’entreposage, les services d'hébergement et d'alimentation, et la fabrication. Si ces entreprises veulent continuer leur croissance, il est crucial qu'elles aient accès à une main-d’œuvre capable d'être efficace.

S'il veut appuyer un tel programme de littératie au travail et de formation aux compétences essentielles, le gouvernement du Canada peut fournir un incitatif sou forme de crédit d'impôt aux entreprises qui se doteront d'un tel programme interne ou qui offriront des incitatifs à leur personnel pour qu'il suive ce programme dans des établissements accrédités. Comme l'affirme Frank McKenna, vice-président du Groupe financier de la Banque TD, « même des petites choses, comme avoir un milieu de travail flexible permettant aux travailleurs de suivre des programmes de littératie durant les heures de travail, pourraient faire beaucoup pour accroître la participation »[v].

Ce crédit d'impôt intéresserait en particulier les petites et moyennes entreprises qui doivent « compter chaque sou » en cette période d'incertitude économique mais qui offrent un potentiel de croissance important à notre économie et doivent pouvoir compter sur une main-d’œuvre efficace parce qu'elle est alphabétisée et possède d'autres compétences transférables.

Les grandes entreprises offrant déjà des programmes de formation à leur personnel seraient encouragées à consulter des spécialistes en littératie et en compétences essentielles sur la manière d'y intégrer ce genre de formation. Cette intégration pourrait se faire au moyen de modules focalisés sur divers types de compétences essentielles (comme la numératie, le traitement de documents, l'utilisation d'ordinateurs) mais dispensés dans le « contexte du travail » en utilisant des exemples pertinents basés sur leurs procédures et processus.

Intégrer l'alphabétisation et les compétences essentielles à une stratégie de littératie financière

Dans son rapport de décembre 2010, Les Canadiens et leur argent : Pour bâtir un avenir financier plus prometteur, le Groupe de travail sur la littératie financière formule plusieurs recommandations, notamment « que le gouvernement du Canada ajoute la littératie financière à la liste des compétences essentielles dans son Cadre des compétences essentielles ».

La Stratégie nationale de littératie financière attendue est une initiative heureuse. Le Canada, autrefois pays d'épargnants, a maintenant un ratio dette-revenu disponible plus élevé que les États-Unis[vi], le record de 146,9 % ayant été atteint au premier trimestre de 2011.

Les deux groupes de la population canadienne exposés au plus grand risque sont les ménages à faible revenu familial et les personnes de 55 ans et plus. Ils présentent un intérêt particulier pour les dispensateurs de services de littératie et de compétences essentielles dans la mesure où ce sont eux qui ont le plus besoin de formation et de perfectionnement des compétences.

Désigner la littératie financière comme l'une des compétences essentielles est une mesure importante pour agir auprès des Canadiens les plus vulnérables aux récessions économiques. Comme l'affirmait le président du Groupe de travail, « rehausser les connaissances, les compétences et la confiance des Canadiens pour qu'ils prennent des décisions financières responsables les aidera à atteindre leurs objectifs personnels, améliorera leur qualité de vie et rendra le Canada plus compétitif ».

Résumé

Si nous voulons assurer une relance économique durable pour notre pays, il est crucial que le monde du travail, l'industrie et le gouvernement collaborent. Chacun a un rôle important à jouer pour veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à un emploi durable.

1.    Les travailleurs doivent comprendre l'importance du perfectionnement des compétences essentielles et prendre des mesures pour veiller à ce que leurs compétences soient continuellement à jour en s'inscrivant aux programmes provinciaux de leurs collectivités.

2.    L'industrie doit favoriser une culture valorisant et appuyant l'apprentissage continu de tous les employés. Il est extrêmement important de mettre sur pied des programmes à l'intention des employés luttant avec un faible niveau de littératie ou ayant besoin de perfectionner d'autres compétences essentielles.

3.    Le gouvernement doit appuyer les programmes de littératie et de compétences essentielles :

a.    en continuant de sensibiliser la population au besoin de perfectionner ses compétences essentielles ;

b.    en offrant des incitatifs aux entreprises pour qu'elles participent au processus de perfectionnement ;

c.    en aidant à faire évoluer la définition canadienne des compétences essentielles.


[i]       Enquête sur la littératie et les compétences des adultes, Statistique Canada, 2003

[ii]      Addressing Canada’s Littératie Challenge: A Cost/Benefit Analysis, DataAngel Policy Research Incorporated, p. 57.

[iii]     Canada’s well-being relies on improved littératie skills: Banque TD, Septembre 2007.

[iv]     Where Do the Anglos Work?- a review of statistics for employment and training in the English-speaking communities of Quebec – Winter 2010, Qu’anglo Communications & Consulting.

[v]      “Efforts to Help New Canadians Must Focus on Littératie Skills”, Frank McKenna, Article as published in “Progress Magazine” October 2009.

[vi]     A Driving Force No More: Have Canadian Consumers Reached Their Limits? Certified General Accountants of Canada, June 2011.